Discours de Gadi Oron à l’Assemblée Générale de la CISAC 2023

2023 CISAC General Assembly Gadi

Le Directeur Général de la CISAC, Gadi Oron, a ouvert l'Assemblée Générale 2023 de la CISAC organisée par la société membre SACM et qui s'est tenue le 1er juin à Mexico. Lisez son discours d'ouverture ci-dessous:

Bonjour à toutes et tous et bienvenue à l’Assemblée Générale de la CISAC !

Il nous a fallu quatre ans avant de pouvoir nous retrouver ici aujourd’hui. Comme vous le savez tous j’imagine, nous avons été invités ici pour fêter le 75e anniversaire de la SACM. C’était censé se passer en 2020.

Nous savons tous ce qui s’est passé ensuite mais la SACM a maintenu son invitation et, chaque année depuis le début de la pandémie, elle a espéré pouvoir accueillir notre Assemblée Générale.

… Malheureusement, à chaque fois, nous avons été obligés de reporter l’événement.

C’est pourquoi nous sommes extrêmement heureux d’être là aujourd’hui et d’organiser notre toute première Assemblée Générale post-pandémie ici, au Mexique.

Je souhaite remercier la SACM d’avoir maintenu son invitation et de nous accueillir aujourd’hui.

C’est avec un immense plaisir que je vois tant d’amis et de collègues du monde entier ici aujourd’hui.

Et je suis vraiment ravi et enchanté d’avoir parmi nous notre Président, Björn Ulvaeus, et trois de nos Vice-Présidents : Yvonne Chaka Chaka, Arturo Márquez et le nouveau Vice-Président fraîchement élu Kazuhiko Fukuoji, qui nous honorent de leur présence.

Nous nous réunissons à une période de changements et de défis extraordinaires. Les marchés dans lesquels les sociétés exercent leurs activités connaissent d’importantes transformations, la structure et les activités du réseau CISAC évoluent et la façon dont les œuvres sont créées change radicalement.

Pour la première fois de notre histoire, nous devons nous demander comment nous comporter face à des œuvres qui n’ont pas été créées par l’être humain mais par l’intelligence artificielle. Nous ne pouvons pas ignorer ces changements. Nous devons admettre que notre monde se transforme.

Et si nous voulons survivre et rester d’actualité – en tant que sociétés, en tant que communauté et en tant que gardiens des intérêts des créateurs –, nous devons surmonter les problèmes qui accompagnent une telle transformation.

Nous devons garder une longueur d’avance. Nous ne pouvons pas laisser des forces extérieures à notre réseau décider de notre avenir.

La pandémie est peut-être derrière nous mais la situation est loin d’être « de retour à la normale » pour notre communauté internationale.

La bonne nouvelle, c’est que, dans toutes les régions, nous sortons vigoureusement de la crise provoquée par la pandémie.

En 2021, les collectes ont commencé à renouer avec la croissance et, pour 2022, de nombreuses sociétés ont ou vont annoncer une année record. Ces hausses des collectes ont été rendues possibles par le secteur numérique. Sur le marché actuel, il ne fait aucun doute que les revenus du numérique sont le moteur de la croissance.

Dans tous les répertoires représentés par la CISAC, le streaming et les revenus liés aux utilisations en ligne deviennent la première source de revenus. Mais, en conséquence, on observe aussi un autre phénomène.

Notre communauté internationale fait face à une fracture de plus en plus importante. Alors que certaines sociétés déclarent des niveaux de collectes sans précédent, d’autres ont du mal à s’en sortir.

Dans les marchés en développement, beaucoup de plus petites sociétés se remettent à peine de la crise imposée par la pandémie et se démènent pour s’adapter à la transition numérique.

En plus de cela, il reste beaucoup d’incertitudes sur le marché. L’inflation, la crise du coût de la vie et leur effet domino sur l’économie sont autant de nuages noirs qui planent sur les activités de nos membres.

L’environnement dans lequel nous fonctionnons évolue et la CISAC s’adapte à cette évolution.

Nous avons procédé à une longue et vaste analyse des services que nous proposons et de la stratégie que nous devrions adopter pour l’avenir. C’était un exercice sans précédent, non seulement par son ampleur, mais aussi par son souci d’intégrer le plus de monde possible.

En trois ans, plus de 140 sociétés y ont pris part, en répondant à notre enquête et en participant à des entretiens individuels et aux nombreuses réunions des différents groupes de réflexion.

Je suis extrêmement reconnaissant à tous ceux qui y ont consacré du temps et se sont investis dans ce processus. Nous en avons tiré d’importants résultats, sur lesquels j’aimerais revenir un instant.

Pour commencer, les résultats montrent, pour l’essentiel, que les activités de la CISAC sont hautement appréciées. Mais nous avons compris qu’elle doit aussi s’adapter et évoluer pour suivre les changements que les sociétés elles-mêmes réalisent pour rester compétitives et efficaces.

Nous avons donc convenu d’un ensemble de changements dans quatre domaines prioritaires :

Nous allons renforcer notre lobbying en nous appuyant sur la voix des créateurs. Nous allons reprendre nos contrôles de conformité et relancer un programme de soutien ciblé pour les sociétés au potentiel prometteur. Nous allons améliorer l’efficacité de nos systèmes d’information et nous simplifions l’organisation de nos comités pour plus d’efficience et d’efficacité.

Mais notre plus grand atout, celui qui donne à la CISAC sa position et son influence singulières, c’est la voix des créateurs eux-mêmes. Il n’est donc guère surprenant que la première conclusion de notre examen stratégique soit que nous devons davantage utiliser cette voix.

Aujourd’hui, je suis ravi de pouvoir accueillir parmi nous notre Président Björn Ulvaeus. Il s’agit de sa première Assemblée Générale en presentiel puisqu’il a accédé à la Présidence il y a trois ans, juste avant le confinement. Il est arrivé avec une énorme envie de mettre à profit son statut de star et son influence au service des créateurs. Et il n’a eu de cesse de s’y employer.

Quand la pandémie s’est déclarée, il a alerté les pouvoirs publics sur la nécessité de soutenir les artistes. Il a aussi dénoncé l’iniquité du marché numérique. Il a attiré l’attention sur les enjeux liés aux données et la nécessité d’améliorer la qualité et l’échange de ces données. Enfin, il a soutenu nos actions de lobbying en rencontrant les plus hauts dirigeants de pays comme l’Allemagne et le Japon.

Je remercie sincèrement Björn pour son énergie et pour tout le soutien qu’il a apporté à la CISAC et à nos sociétés.

Nous sommes également très chanceux d’avoir Yvonne Chaka Chaka et Arturo Márquez comme Vice-Présidents. Tous les deux sont parmi nous aujourd’hui et je tiens à les remercier pour leur soutien.

Je suis très heureux de vous annoncer que tous les trois, Björn, Yvonne et Arturo, ont été réélus pour un second mandat.

Nous sommes également ravis d’accueillir deux nouveaux Vice-Présidents de la CISAC aujourd’hui : Kazuhiko Fukuoji, du Japon, et Ángeles González-Sinde, d’Espagne.

M. Fukuoji est un peintre célèbre et talentueux, qui a consacré beaucoup de temps et d’énergie à défendre les intérêts des artistes visuels. Il s’est investi dans de nombreuses actions de lobbying de la CISAC depuis des années et c’est un plaisir et un honneur de l’accueillir ici.

Ángeles González-Sinde est une scénariste, réalisatrice, illustratrice, auteure de livres pour enfants et ancienne ministre de la Culture.

Malheureusement, Ángeles ne pouvait pas être présente aujourd’hui mais elle nous a envoyé un message vidéo.

Nous lui sommes reconnaissants, comme à M. Fukuoji, d’avoir accepté de devenir Vice-Présidents.

J’aimerais aussi profiter de cette opportunité pour remercier nos deux Vice-Présidents sortants : le réalisateur chinois Jia Zhang-ke et l’artiste visuel espagnol Miquel Barceló, qui ont été à nos côtés pendant six ans et nous ont ouvert de nombreuses portes.

La relation entre la CISAC et les créateurs est précieuse.

Dans l’année qui vient, nous prévoyons d’intensifier significativement notre travail avec nos Présidents et Vice-Présidents, mais aussi avec nos Conseils de Créateurs.

L’examen stratégique a également mis en évidence l’importance que nos membres accordent aux services de la CISAC sur le plan des technologies et des systèmes d’information. Ce domaine reste l’une de nos grandes priorités.

Nous continuons d’encourager l’adoption de l’ISWC, l’identifiant des œuvres musicales, dans toute la chaîne de valeur de la musique.

La modernisation du système nous a permis d’améliorer sa rapidité, sa précision et son efficacité. Plus de 17 millions de codes ISWC ont été émis par nos membres depuis le lancement du nouveau système. Et de plus en plus d’éditeurs utilisent les services de résolution et d’attribution mis en place spécifiquement pour eux.

Nous concentrons désormais nos efforts sur la promotion de l’utilisation de ces codes par les services numériques et les plateformes en ligne.

Parallèlement, nous nous efforçons aussi d’écrire un nouvel avenir pour le système CIS-Net.

À la fin de l’année dernière, les conseils d’administration de la CISAC et de FastTrack ont pris la décision qui fera date de transférer la propriété de CIS-Net à la CISAC.

Ce n’était pas une décision facile et elle a fait suite à de longues discussions avec les sociétés appartenant ou non à FastTrack.

Elle signifie que la CISAC est désormais responsable et capable de décider de l’exploitation et des futurs développements des différents outils.

Pour commencer à planifier l’avenir, nous réfléchissons déjà à une nouvelle vision pour CIS-Net avec un groupe de représentants des sociétés qui nous aident à établir ce que nous appelons le « plan CIS-Net ».

Sur le front de la défense des droits, les enjeux liés au droit d’auteur font de nouveau partie des préoccupations des décideurs politiques.

Au cours de l’année écoulée, nous avons soutenu plus de 50 sociétés – du Chili à la Chine, et dans bien d’autres pays – dans leurs actions de lobbying locales.

À l’échelle internationale, nous avons aussi collaboré avec l’OMPI, fait entendre notre voix auprès de la Commission européenne dans le contexte de ses accords commerciaux et travaillé avec d’autres organisations régionales comme l’Union africaine, l’UEMOA, l’ARIPO, etc.

Notre plus grand défi pour l’avenir est, sans aucun doute, l’intelligence artificielle.

L’IA sera de plus en plus au centre de nos préoccupations dans l’année qui vient et nous avons déjà travaillé sur l’élaboration de recommandations de principe. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour guider nos membres face aux vastes implications de l’IA pour le droit d’auteur et les créateurs.

Sur le plan opérationnel, nos résultats les plus marquants ont dernièrement été obtenus en Grèce et en Turquie. Dans ces deux pays, nous avons montré l’impact que la CISAC peut avoir en assainissant des marchés dysfonctionnels et en augmentant les collectes. Il y a 5 ans exactement, la CISAC lançait son programme de soutien à la société grecque AUTODIA. Quand nous sommes intervenus, le marché était au bord de l’effondrement et les collectes étaient quasi inexistantes.

Aujourd’hui, nous pouvons dire avec fierté que la Grèce est un marché en bonne santé. L’année dernière, les droits collectés par AUTODIA ont dépassé les 16 millions d’euros.

En Turquie, sous l’effet des pressions et du soutien combinés de la CISAC, les deux sociétés nationales – MESAM et MSG – ont été amenées à collaborer. Elles ont commencé à s’attaquer aux problèmes qui gangrènent leur fonctionnement depuis des années et à restaurer leur relation brisée.

Les résultats de ces efforts sont d’ores et déjà évidents. En monnaie locale, elles ont augmenté leurs collectes de près de 50 % l’année dernière.

Il m’est impossible, dans ce bref tour d’horizon de nos activités, d’aborder tous les aspects du travail de la CISAC.

Cependant, s’il y a bien un projet dont je souhaite encore vous parler, c’est de l’Ukraine. Avec ce projet, notre communauté internationale a réellement montré toute sa force et sa capacité unique à soutenir ses membres en temps de crise. Notre campagne « Creators for Ukraine » a permis de récolter 1,4 million d’euros. Merci pour les dons généreux de nombreuses sociétés membres. L’argent a bénéficié directement aux artistes ukrainiens et aux sociétés et ONG des pays voisins qui viennent en aide aux réfugiés.

C’est l’exemple vivant du pouvoir de la solidarité CISAC. Nous y reviendrons plus tard lors d’un débat d’experts.

Avant de conclure, voici quelques autres remarques.

Tout d’abord, à propos de la réunion d’aujourd’hui.

Dans un esprit de changement, vous verrez que nous avons aussi adopté un nouveau format pour cette Assemblée Générale. Comme vous le savez tous, nous avons opté pour le vote électronique. Tout le monde a ainsi pu y participer, y compris ceux qui ne pouvaient pas faire le déplacement pour être avec nous aujourd’hui, ce qui nous a aussi permis de dégager du temps dans l’ordre du jour.

Nous allons sans tarder vous présenter les résultats des votes, puis nous passerons au nouveau programme que nous vous avons préparé, avec des séances de questions-réponses et des débats d’experts avec les créateurs et les directeurs des sociétés.

J’espère que vous apprécierez cette nouvelle approche et je voudrais remercier tous les intervenants qui ont accepté de participer.

Au lieu des présentations de chaque département auxquelles vous avez été habitués lors des Assemblées précédentes, nous avons préparé des rapports écrits que nous vous avons communiqués.

J’espère que vous les lirez, car ils couvrent de nombreux points que nous n’aborderons pas aujourd’hui.

Enfin, j’aimerais dire quelques mots de remerciement.

Nous avons une équipe fantastique à la CISAC – à Paris comme dans nos bureaux régionaux –, entièrement vouée au service de nos membres. Ces dernières années n’ont pas été faciles pour nous. Nous avons dû réduire de manière importante notre effectif pendant la pandémie et ceux qui sont restés ont dû faire face à beaucoup de pression. Je voudrais donc tous les remercier pour leur dur labeur et leur dévouement.

J’aimerais aussi de nouveau remercier tous nos amis de la SACM pour leur détermination et leurs efforts des derniers mois pour organiser cette Assemblée et cette semaine à Mexico.

Et enfin, j’aimerais vous remercier tous, vous, les membres de la CISAC, ceux qui sont ici physiquement et ceux qui nous regardent en live streaming, pour votre soutien et votre présence aujourd’hui.

Merci.