La Conférence internationale d’Antigua sur l’« Équation Incomplète » cherche des solutions au problème du transfert de la valeur

Summary
Un Juge de la Cour Suprême du Chili donne son avis juridique sur l’identification des contenus protégés par le droit d’auteur et distribués par les intermédiaires techniques
20180424 Guatemala Conf IMG_4328 CISAC

À l’ère numérique, où les œuvres créatives peuvent être distribuées partout, il n’a jamais été aussi difficile pour les auteurs de recevoir une juste rémunération. La « Conférence internationale sur les droits d’auteur et la gestion collective : l’équation incomplète, comment rééquilibrer la situation », organisée le 24 avril au Guatemala, a attiré de nombreux experts dans le but d’examiner comment résoudre ce problème.

Les participants se sont demandés si un modèle inspiré du Marché unique numérique européen pouvait s’appliquer à l’Amérique Latine. Ces derniers ont également examiné le rôle que pourrait jouer la copie privée pour rééquilibrer l’équation de la rémunération.  

La question du « transfert de la valeur » s’est trouvée au cœur du débat. Il s’agit d’une distorsion du marché liée à l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur par les intermédiaires en ligne, qui tirent des revenus considérables sans rémunérer équitablement les créateurs. En plus de porter atteinte à la rémunération des créateurs, certaines plateformes de contenus chargés par les utilisateurs telles que YouTube se livrent à une concurrence déloyale avec les plateformes qui mettent en ligne des contenus autorisés par les ayants-droit.

Le Président du Comité Amérique Latine et Caraïbes de la CISAC, Victor Yunes, a déclaré que les pays d’Amérique Centrale doivent s’engager à protéger les répertoires national et international. Aujourd’hui, force est de constater que les utilisateurs qui n’ont pas de licence dans le domaine de la radiodiffusion, de la télévision et du câble tirent particulièrement profit de cet environnement permissif.  

20180424 CISAC - ANTIGUA -2049 Marisol Paiz

M. Fernando Zapata, avocat au cabinet Zapata & Rios et ancien directeur de l’Office national du droit d’auteur de Colombie, a souligné que les législations régionales sur le droit d’auteur n’ont pas été renforcées depuis de nombreuses années : « Il existe de nombreuses dispositions juridiques qui autorisent l’établissement d’exceptions. Ceci est la conséquence d’un discours politique qui vise à s’approprier le droit d’auteur ».

D’après le député péruvien Francesco Petrozzi, le problème est exacerbé par le fait que les hommes et femmes politiques ne mettent pas suffisamment l’accent sur la culture et le droit d’auteur. Le Président de la SAYCE, Juan Fernando Velasco, a remis en cause la volonté des gouvernements de mettre un terme à l’utilisation unilatérale des œuvres : « Les utilisateurs profitent d’une trop grande permissivité en ce qui concerne l’utilisation unilatérale du répertoire musical ». 

Par ailleurs, certains syndicats ont une influence négative sur le débat, comme par exemple au Guatemala où une guilde qui défend les utilisateurs d’œuvres musicales a tardé à appliquer des mesures pour respecter ses obligations. Guillermo Iturriaga de Central Law a déclaré que les autorités devaient intervenir et s’assurer que ces syndicats respectent leurs obligations de paiement.

Les plateformes numériques ont été appelées à renforcer l’application et le respect du droit d’auteur, mais certaines d’entre elles contournent actuellement leurs obligations pour éviter de verser une rémunération équitable. Le Directeur Général de la CISAC, Gadi Oron, a déclaré que ces plateformes étaient conscientes du problème et qu’elles savaient comment y remédier. « Du point de vue juridique, elle sont responsables. Elle savent parfaitement ce qui se passe », a-t-il déclaré.

20180424 CISAC - ANTIGUA 2000 Marisol Paiz

Les négociations avec les services de contenus chargés par les utilisateurs tels que YouTube sont biaisées, d’après le Directeur Régional de l’IFPI, Javier Asensio. Les ayants-droit se voient offrir des conditions « à prendre ou à laisser » pour les contenus protégés que les plateformes souhaitent utiliser à leur avantage.

Les services comme YouTube tentent de contourner leurs obligations via les procédures de notification et de retrait. Ces procédures, qui stipulent que les ayants-droit sont responsables de signaler les contenus illicites, se sont révélées inefficaces ou ont été utilisées pour éviter de respecter les obligations de paiement. Arturo Prado, juge à la Cour Suprême du Chili, a déclaré : « La procédure de notification et de retrait prend beaucoup de temps. Une fois la procédure traitée, le contenu est de nouveau chargé. C’est à l’auteur, c’est-à-dire la personne qui a subi le préjudice, de prouver que le contenu est illégal ».

20180424 CISAC - ANTIGUA 2218 Marisol Paiz

Les participants ont examiné si un modèle inspiré du Marché unique numérique européen pouvait s’appliquer à l’Amérique Latine. L’Amérique Latine dispose déjà d’un système d’octroi de licences multi-territoriales en raison d’une législation homogène sur la gestion collective et de mesures cohérentes prises par les sociétés.

Les sociétés musicales de la région ont déjà établi un consortium, dépassant ainsi les divisions entre auteurs et éditeurs, d’après le Directeur Général de la SADAIC, Guillermo Ocampo. La collaboration cherche à créer un modèle efficace d’octroi de licences accompagné d’une sécurité juridique totale pour les plateformes. Il a expliqué dans quelle mesure la gestion collective multi-territoriale en Amérique Latine respecte la gestion individuelle de chaque société. Ce modèle facilite la gestion et « garantit un cadre adéquat de propriété intellectuelle pour permettre à ceux qui demandent une licence de développer leurs activités et d’obtenir des tarifs au niveau international ». La manière dont les licences territoriales iront de pair avec la portabilité transfrontière des contenus en ligne suscite néanmoins des inquiétudes. 

Le potentiel de croissance des rémunérations pour copie privée a été également envisagé comme une solution pour répondre au déséquilibre actuel dont souffrent les ayants-droit. La Directrice Générale d’Universal Music Publishing México y América Central, Yadira Moreno, a souligné l’importance de sensibiliser le public à la copie privée. D’après le Directeur Général de l’UBC, Marcelo Castello Branco, « la copie privée représente très peu pour le consommateur et beaucoup pour les créateurs ». Le Directeur Général de la SACM, Roberto Cantoral, a attiré l’attention sur les bénéfices de la copie privée : « Il y aura davantage d’œuvres et de plus grandes possibilités de créativité, ce qui permettra d’enrichir le patrimoine culturel d’un pays et d’élargir l’accès à la culture ».

20180424 CISAC - ANTIGUA 2431 Marisol Paiz